« Un effleurement, une trace, une lueur s’infiltrant dans la brume, des corps errants, enveloppés de silence, presque effacés, anonymes, isolés. Dans l’attente, juste avant ou après, ni jour ni nuit, un endroit quelque part, l’univers de Marie Christine Régnier vibre secrètement, intimement. Dans une ambiance ouatée, fermentée de gris multipliés à l’infini, sa main esquisse avec délicatesse une posture, capte un regard, souvent vide ou apeuré. Dans la plénitude d’un vide baigné d’une lumière diffuse, quand la matière s’apaise, des êtres hagards, habillés de chair, déambulent ou stationnent. Mais, au-delà du malaise ambiant – avec ces textures fragiles et froissées, sa touche transparente de pétales, plissée et nuancée en camaïeux patinés – c’est d’une écriture sensible et maîtrisée, subtilement adaptée au contact de la toile, que Marie-Christine Régnier nous entraîne sur ces territoires inconnus. De tout temps, les hommes ont gravé des corps sur les parois de mémoire; les siens, dont la peau n’est autre qu’un vaste champ pictural d’expression, irradient et laissent une empreinte émouvante.
Directement reliées à sa peinture, les sculptures de M.-C. Régnier, tout en chair et massives, au charme magique, prolongent l’énigme, où les rides du temps n’ont pas de prise. Adultes-enfants, orphelins de naissance et beaux comme des anges, ces corps qui pensent – refusant de grandir, vulnérables–, se questionnent dans un territoire préservé. L’œuvre de M.-C. Régnier rétablit l’indispensable rôle du regard, du désir et du toucher pour aimer – pour s’aimer. Elle dit aussi que sans matière il n’y a pas de vie, mais encore que le corps de l’homme est sa prison. »
Jean-Philippe Rauzet