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CAPALA
Elle dit : « Écrire, dire je ne sais pas, je regarde avec mes mains… » Capala se nourrit du va-et-vient rythmé, perpétuel, obsessionnel de la marée, du silence enveloppant du vent, de lumières enfouies dans la pénombre, de phénomènes climatiques engendrant d’étonnants miracles de la nature. Ses peintures de nuits – enveloppées de séquences d’un monde en mutation (« Pensées libérées », « Promesses de l’aube »), balayé par une onde cataclysmique où le soleil s’est éteint, ne laissant que vestiges démesurés, sentinelles découpant un ciel vidé de sa substance – s’éclairent cependant de lueurs réchauffant et pénétrant des tons profonds. Éléments en fusion, visages pétrifiés, devenus masques ou empreintes d’un brin de vie disparue ; matières agglomérées, transmutées ; stèles monolithiques dressées chérissant en leur sein un souvenir ténu, désuet, témoin de blessure, fixant à jamais l’écho de la mémoire des hommes, Capala, artiste visionnaire anticipe une fin programmée.
Mais Capala – artisan-peintre-sculpteur-poète-photographe – capte aussi les plus étonnantes images d’une nature vivante. Dans un cadrage rigoureux, les flots opaques ou saumâtres de la Gironde rythment les reflets d’un rayon, les berges s’organisent en tableaux abstraits, donnant l’envie de peindre de grandes toiles, où les tons sensibles et rapprochés engendreraient un miracle tactile. Ses « Photos Gelées », « Histoires d’Eau », « Transparences », « Ombres et lumières », sont autant de merveilles, de détails captés par un œil toujours avide d’expériences secrètes, d’alchimies inconnues.
Sa toile carrée « Fêlure », densité noire traversée d’un éclair strident, rappelle bien des recherches d’Ad Reinhardt, aboutissant aux « Ultimate Paintings », où la proximité des tons sombres fait qu’il n’y a plus rien à voir – pour lui ! Mais avec cette déchirure éblouissante qui revient partager l’univers, lui donnant une nouvelle énergie, Capala pourra organiser encore et toujours le sombre et le clair, fixera les dentelles et stalactites de glace, retiendra les réseaux et méandres des berges, cherchera dans l’érosion du monde des fossiles d’avenir. »
Jean-Philippe Rauzet